Droit à l’alimentation: la Suisse épinglée par l’ONU

Berne, le 7 juin 2024 – La Suisse et les trois autres membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE) mettent en péril le droit à l’alimentation. Telle est la teneur d’une lettre que Michael Fakhri, le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation des Nations Unies, a envoyée à ces quatre États. Il dénonce ainsi que l’une des clauses des accords de libre-échange négociés avec des pays de l’hémisphère sud menace les systèmes semenciers paysans, véritable fondement de la sécurité alimentaire dans un grand nombre de ces pays. L’AELE les contraint en effet à adopter pour les semences un régime strict de protection de la propriété intellectuelle comparable aux brevets. Une clause que la Coalition suisse pour le droit aux semences demande de retirer des négociations.

Les membres de l’AELE (la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège) mènent actuellement des négociations avec la Malaisie et avec la Thaïlande, deux pays dont l’économie est fortement tributaire de l’agriculture paysanne. Lors de ces négociations, qui visent à conclure des accords de libre-échange, l’AELE exige le respect de l’Acte de 1991 de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV 91), qui impose des règles rigides dans ce domaine. Ce corset empêche des pays comme la Malaisie et la Thaïlande d’adopter leur propre législation, adaptée à leurs réalités agricoles. Dans la lettre qu’il adresse aux membres de l’AELE, le Rapporteur spécial Michael Fakhri indique que cette exigence met en péril le droit à l’alimentation.

Depuis plusieurs années, des organisations paysannes et des ONG, parmi lesquelles la Coalition suisse pour le droit aux semences, demandent aux membres de l’AELE de retirer la clause UPOV des négociations, car celle-ci viole le droit aux semences tel qu’il est inscrit dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s, mais aussi le Traité international sur les ressources phytogénétiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Dans sa réponse à la lettre du Rapporteur spécial, l’AELE indique qu’elle n’a pas l’intention de revoir sa pratique actuelle et qu’elle continuera à exiger, lors de futures négociations, l’inscription d’une clause UPOV dans les accords.

La Suisse exige d’autrui ce qu’elle n’applique pas elle-même

«Ce qui est particulièrement dérangeant, c’est que l’AELE exige de ses partenaires un régime qu’elle n’applique pas», indique Simon Degelo, responsable du dossier sur les semences et la biodiversité chez SWISSAID. Le Liechtenstein ne dispose ainsi d’aucune loi de protection des obtentions végétales et la Norvège a décidé de s’en tenir à l’Acte de 1978 de l’UPOV, qui restreint moins les droits des paysan·ne·s. Quant à notre pays, il a certes ratifié l’UPOV 91, mais ne l’applique que partiellement. Il est donc incompréhensible que la Suisse et, avec elle, l’AELE s’obstinent à exiger l’inscription de cette clause controversée dans les accords. Syngenta est la seule entreprise en Suisse qui pourrait théoriquement tirer parti de cette disposition. «Il est extrêmement discutable que le Secrétariat d’État à l’économie (SECO), responsable du dossier, défende les intérêts d’une entreprise en mains chinoises dont la direction du secteur semences se trouve à Chicago», déplore Tina Goethe de l’EPER.

Si Kuala Lumpur se dit disposé à appliquer l’UPOV 91, la société civile malaisienne monte, elle, au créneau. Dans une déclaration signée par de nombreuses organisations paysannes et citoyennes, elle craint que la Malaisie soit contrainte de modifier à maints égards sa loi sur la protection des obtentions végétales, ce qui ouvrirait grand les vannes à la biopiraterie, interdirait aux paysan·ne·s d’échanger leurs semences et mettrait en péril la diversité et la sécurité de la production alimentaire nationale.

La Coalition suisse pour le droit aux semences exige en conséquence de la Suisse et des autres membres de l’AELE qu’ils prennent acte de la réprimande du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation des Nations Unies et qu’ils retirent définitivement des négociations une clause UPOV nuisible aux droits humains.

Informations complémentaires:

Personnes de contact :

Simon Degelo, responsable dossier sur les semences et la biodiversité chez SWISSAID ; 076 824 00 46 ; s.degelo@swissaid.ch

 

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Press Release in English

Un pas important en faveur des droits des paysan·ne·s du Sud

Communiqué de presse de la coalition suisse « Droit aux semences »

Berne, 21 mars 2023 – La clause de protection des variétés végétales doit à l’avenir être supprimée des accords de libre-échange négociés par la Suisse. La Commission de politique extérieure du Conseil national a adopté une initiative parlementaire en ce sens. La coalition « Droit aux semences » salue ce pas vers plus de souveraineté alimentaire pour les petit-e-s paysan-ne-s du Sud et de la protection de la biodiversité.

Par 13 « oui », 7 « non » et 4 abstentions, la commission a adopté hier l’initiative déposée par le conseiller national Nicolas Walder (Vert-e-s/GE) et donné un signal clair : elle veut que la Suisse ne contraigne plus ses partenaires commerciaux à mettre en œuvre les directives de la Convention internationale sur la protection des obtentions végétales UPOV 91 par le biais d’une clause. La clause en question figure dans chacun des mandats de négociation des accords de libre-échange de la Suisse avec d’autres pays et oblige ces derniers à adopter des lois sur la protection des variétés végétales conformes à l’UPOV 91. Cette disposition interdit aux paysan·ne·s d’échanger ou de vendre des semences qu’ils produisent eux-mêmes, s’il s’agit de variétés protégées. Même la multiplication destinée à leurs propres besoins n’est autorisée que de manière limitée et soumise à paiement.

Aujourd’hui, la Suisse a toutefois fait un pas en faveur du respect des droits des paysan·ne·s sur les semences. « Ces droits permettent aux petit·e·s paysan·ne·s  d’améliorer leur sécurité alimentaire et de protéger la biodiversité », explique Simon Degelo, responsable du dossier semences et biodiversité chez SWISSAID.

Droit à la libre utilisation

Les pratiques séculaires des paysan·ne·s consistant à réutiliser, échanger ou vendre les semences produites dans leurs propres champs sont indispensables à la sécurité alimentaire dans les pays du Sud. Elles garantissent l’approvisionnement en semences et jouent un rôle central dans le maintien et le développement de la diversité des cultures. C’est pourquoi les droits des paysan·ne·s de reproduire, d’utiliser, d’échanger et de vendre des semences sont inscrits dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysan·ne·s (UNDROP) ainsi que dans le Traité international sur les semences de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). La clause UPOV restreint ces droits à l’échelle mondiale : « La Suisse doit défendre le droit aux semences et donc le droit à l’alimentation », complète Tina Goethe, codirectrice du département politique de développement et priorités thématiques de l’EPER.

La coalition suisse « Droit aux semences » compte désormais sur la Commission de politique extérieure du Conseil des États pour qu’elle vote elle aussi en faveur de cette initiative parlementaire.

Plus d’informations :

Initiative parlementaire « Plus de clause relative à l’UPOV dans les mandats de négociations des accords commerciaux suisses » – 22.492

Personnes de contact :

Simon Degelo, responsable semences et biodiversité SWISSAID, 076 824 00 46, s.degelo@swissaid.ch

Tina Goethe, codirection du département politique de développement et priorités thématiques, EPER, 076 516 59 57, tina.goethe@heks.ch

Nicolas Walder, conseiller national (Vert-e-s/GE), 079 550 05 13, nicolas.walder@parl.ch

UPOV: quand le troc de semences est passible d’une peine de prison

Communiqué de presse de la Coalition suisse pour le droit aux semences

Berne, le 2 décembre 2022 – Des représentant·e·s de sept organisations suisses* ont manifesté ce vendredi sur la Place fédérale à Berne contre l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), qui criminalise dans le monde entier des paysannes et des paysans souhaitant réutiliser leurs semences. La Suisse demande aux pays avec lesquels elle conclut des accords de libre-échange d’adhérer aux règles de l’UPOV. Une intervention parlementaire vise à mettre fin à cette pratique inacceptable.

Habillé·e·s en prisonnières et prisonniers, des militant·e·s de plusieurs organisations suisses ont manifesté aujourd’hui sur la Place fédérale, symbolisant les paysannes et les paysans criminalisé·e·s par les règles de l’UPOV et par l’inscription dans la législation locale d’un droit de propriété intellectuelle apparenté à un brevet accordé sur les semences. Cette action s’inscrit dans le cadre d’une protestation mondiale contre l’UPOV et le monopole dont font l’objet les semences.

Les militant·e·s ont remis leur revendication au Parlement : la Suisse doit s’abstenir d’exiger l’inscription d’une clause UPOV dans les futurs accords de libre-échange. Le conseiller national Nicolas Walder, qui a accusé réception de cette revendication, déposera la semaine prochaine une initiative parlementaire avec sa collègue Christine Badertscher pour demander de rayer cette exigence inacceptable des accords de libre-échange. Les partenaires commerciaux de la Suisse doivent en effet pouvoir continuer à être libres d’adopter des lois sur les semences qui tiennent compte de leur situation, qui respectent les droits des paysannes et des paysans, et qui favorisent la souveraineté alimentaire.

Depuis des millénaires, des paysannes et des paysans conservent, multiplient, plantent, échangent ou vendent les semences qu’elles·ils produisent, une pratique à la base de la souveraineté alimentaire et indispensable à la sécurité alimentaire des pays de l’hémisphère Sud. Le système semencier paysan se porte ainsi garant de l’approvisionnement en semences et joue un rôle clé dans la préservation et le développement de la diversité de nos plantes cultivées. C’est pour ces raisons que le droit de libre utilisation des semences a été inscrit dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s et dans le Traité international sur les ressources phytogénétiques de la FAO.

Or, c’est précisément l’exercice de ce droit que l’UPOV criminalise en interdisant aux paysannes et aux paysans d’échanger ou de vendre les semences enregistrées qu’elles·ils produisent sur leurs champs. Même la réutilisation est souvent interdite ou soumise à redevances. Le Ghana, dernier pays à avoir rejoint l’UPOV, va jusqu’à prévoir une peine d’emprisonnement de dix ans au moins. De la sorte, on fait d’un droit élémentaire un acte criminel.

En sa qualité de membre de l’AELE**, la Suisse contraint les pays avec lesquels elle conclut des accords de libre-échange à adhérer aux règles de l’UPOV, une exigence pour ainsi dire cynique, puisque le Liechtenstein n’applique pas du tout ces règles et la Norvège ne le fait que partiellement, octroyant de la sorte davantage de libertés à ses paysannes et paysans. Même la Suisse a interprété ces règles de sorte qu’elles ne satisfont pas aux exigences de l’UPOV. Dès lors, les pays membres de l’AELE imposent à leurs partenaires commerciaux l’adoption de règles plus strictes que celles qu’ils sont disposés à appliquer eux-mêmes. Le prochain accord sur la liste est l’accord de libre-échange négocié avec la Thaïlande, pays dans lequel la société civile et les organisations paysannes s’opposent énergiquement aux règles de l’UPOV afin de défendre leur droit aux semences et, par conséquent, leur droit à l’alimentation.

* Cette action a été organisée par Action de Carême, Alliance Sud, EPER, FIAN, Public Eye, SWISSAID et Uniterre.

** L’Association européenne de libre-échange (AELE) compte quatre membres : la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.

 Plus d’informations:

Personnes de contact :

Simon Degelo, responsable semences et biodiversité chez SWISSAID, Tél. : 076 824 00 46, s.degelo@swissaid.ch

Nicolas Walder, conseiller national des Vert·e·s, Tél. : 079 550 05 13, nicolas.walder@parl.ch

La Suisse met en danger la diversité des semences en Thaïlande

La Suisse veut contraindre les pays en développement à adopter une protection restrictive des variétés végétales. Récemment, elle faisait pression pour obtenir un accord de libre-échange avec l’Indonésie. Le scénario pourrait se répéter tout prochainement avec la Thaïlande; avec des conséquences désastreuses pour les habitant-e-s du pays. 

Après plusieurs années de blocage, la Suisse a repris, avec les autres pays de l’AELE, les négociations pour un accord commercial avec la Thaïlande. C’est une mauvaise nouvelle pour les paysan-ne-s thaïlandais-es. En effet, la Suisse fait pression pour obtenir une clause qui obligerait le pays à protéger ses variétés végétales de manière stricte, conformément à l’UPOV 91. Avec pour conséquence l’obligation pour la Thaïlande d’adapter ses lois actuelles sur la protection des variétés végétales. Ces dernières limitent les droits des paysannes et des paysans et mettent en danger la sécurité alimentaire et la riche biodiversité du pays.

Des parlementaires de tous les pays de l’AELE se sont rendus en Thaïlande du 5 au 9 septembre pour s’informer sur l’état des négociations. Ils en ont profité pour comprendre la réalité du pays et ont rencontré des représentant-e-s de la société civile. Parmi celles-ci, l’organisation BioThai les a informés de la problématique d’une éventuelle clause UPOV et de ses conséquences pour les paysan-ne-s du pays.

Briefing Paper UPOV dans l’ALE avec la Thaïlande

Article dans Le Courrier

Le Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation demande l’abandon de l’UPOV dans les accords bilatéraux et régionaux

En mars 2022, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Michael Fakhri, a présenté son rapport « Semences, droit à la vie et droits des agriculteurs » au Conseil des droits de l’homme. Il y demande qu’aucun pays ne soit contraint d’adhérer à la Convention UPOV dans le cadre d’accords bilatéraux et régionaux ou de toute autre manière. Il demande en outre instamment aux États de retirer également les références à l’UPOV des accords existants. Pour lui, le droit des paysans et paysannes de conserver, d’échanger et de vendre des semences doit être garanti en tant que droit fondamental indivisible et doit primer sur les droits de propriété intellectuelle.

Le rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation est disponible en anglais et en français. Voici un commentaire (en anglais) sur les principales recommandations du point de vue des organisations de la société civile du Sud et du Nord.

Action de protestation à Genève: non à l’UPOV et à la privatisation des semences

Communiqué de presse de la Coalition suisse pour le droit aux semences

Genève, le 8 décembre 2021 – Soixante ans, c’est assez: neuf organisations suisses ont réalisé ce mercredi une action de protestation à Genève pour demander la dissolution de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Elles se mobilisent ainsi contre la mainmise de cette organisation sur les semences et la menace qu’elle fait planer sur la souveraineté alimentaire. Près de 300 organisations et réseaux dans le monde soutiennent l’appel.

À l’occasion du 60e anniversaire de l’UPOV, des militant·e·s de neuf organisations actives dans le domaine du développement, de l’agriculture et des droits humains*, déguisés en plantes alimentaires, se sont enchaînés devant le bâtiment de l’UPOV à Genève. Cette action symbolisait la situation des paysan·ne·s qui, en raison des lois sur la protection des variétés exigées par cette organisation, ne peuvent plus utiliser librement les semences. Or, c’est précisément cette libre utilisation qui est l’un des principaux piliers de la souveraineté alimentaire et du droit à l’alimentation, mais aussi un atout important pour préserver l’agrobiodiversité.

L’UPOV a été créée en 1961 par quelques pays européens pour adopter une convention qui donne aux semenciers la possibilité d’imposer un droit de propriété intellectuelle, analogue au brevet, sur les semences. Depuis cette date, les normes ont été plusieurs fois durcies et la version de la convention en vigueur depuis 1991 (UPOV 1991) interdit aux paysan·ne·s de conserver, de multiplier, de planter, d’échanger ou de vendre librement les semences protégées par des certificats d’obtention végétale.

Cette limitation contredit la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s et le Traité international sur les ressources phytogénétiques de la FAO qui garantit aux paysan·ne·s le droit de se livrer à ces activités. Il faut en effet que les paysan·ne·s puissent disposer librement des semences pour qu’ils soient en mesure de jouer leurs rôles de nourriciers d’une grande partie de la population mondiale et de gardiens des semences pour les générations futures.

Le Sud sous pression

En raison des pressions toujours plus fortes exercées ces dernières décennies par des pays industrialisés, de plus en plus de pays en développement ont dû se soumettre aux règles de l’UPOV. Les grands semenciers, le secrétariat de l’UPOV et, en particulier, divers pays industrialisés ne relâchent pas la pression afin de convaincre les pays récalcitrants de modifier leur législation et de limiter les droits des paysan·ne·s.

En l’occurrence, la Suisse joue elle aussi un rôle peu glorieux en obligeant les pays partenaires, dans les accords négociés par l’Association européenne de libre-échange (AELE), à adhérer à l’UPOV ou à adopter ses règles. Paradoxalement, les pays membres de l’AELE – la Suisse, la Norvège et le Liechtenstein – ont décidé de ne pas adapter leurs lois nationales aux exigences de l’UPOV 1991. Il est hypocrite et inéquitable, de la part de ces nations, d’exiger des pays en développement l’adoption de lois qu’elles jugent inadéquates.

En lieu et place des droits d’obtention végétale régis par l’UPOV, les ONG demandent d’adopter des lois qui favorisent plutôt que limitent l’échange et l’utilisation des semences. C’est en effet la seule façon de préserver la diversité des semences et d’en garantir l’utilisation à long terme. Et seule une agriculture diversifiée sera à même de faire face aux menaces qui pèsent sur la sécurité alimentaire, comme les changements climatiques.

*L’action a reçu le soutien des organisations suivantes: Action de Carême, Alliance Sud, EPER, FIAN, Pain pour le prochain, Public Eye, Swissaid, Uniterre et APBREBES.

Plus d’informations:

Personnes de contact:

  • Rudi Berli, président d’Uniterre Genève, berli@uniterre.ch, 078 707 78 83
  • Tina Goethe, Droit à l’alimentation et climat, Pain pour le prochain, goethe@bfa-ppp.ch, 076 516 59 57
  • Delphine Neyaga, Médias et campagnes, Swissaid, neyaga@swissaid.ch, 076 582 76 66

L’AELE insiste sur la clause UPOV dans les mandats de négociation des accords de libre-échange (ALE)

La réponse de l’AELE à la lettre ouverte de juin 2020, soutenue par 250 organisations du monde entier, est décevante. Bien que l’AELE se montre ouverte à nos préoccupations, elle maintient l’exigence de l’UPOV 91 dans les ALE. Le droit aux semences reste donc sous pression.

En juillet 2020, 250 organisations de 60 pays ont envoyé une lettre ouverte (EN/ESP) aux gouvernements de la Suisse, de la Norvège et du Liechtenstein pour leur demander de ne pas imposer de lois strictes sur la protection des variétés végétales aux pays du Sud conformément à l’UPOV 91. Des normes qu’ils ne respectent pas eux-mêmes, mais qu’ils exigent des pays partenaires dans les négociations de libre-échange. La lettre demande que l’exigence de l’UPOV soit retirée de leurs mandats de négociation pour les futurs accords de libre-échange.

Réponses trompeuses

Cinq mois plus tard, en décembre 2020, nous avons reçu une lettre de réponse de l’AELE, signée par le conseiller fédéral Guy Parmelin, ministre suisse de l’économie et président du Conseil de l’AELE en 2020. La lettre est formulée de manière vague et contient plusieurs inexactitudes, que la Coalition suisse pour le droit aux semences a commentées et corrigées.  Nous considérons comme positif le fait que l’AELE ne considère pas l’adhésion à l’UPOV ou la mise en œuvre juridique des normes de l’UPOV comme une condition préalable à la conclusion d’un accord de libre-échange. Nous saluons également l’ouverture de l’AELE, comme indiqué dans la lettre, à trouver des solutions alternatives qui tiennent également compte de la situation des agriculteurs des pays partenaires qui dépendent des systèmes de semences des agriculteurs.

Le mandat de négociation est ajusté…

Fin janvier 2021, une délégation de la coalition suisse « Droit aux semences », à l’origine de la lettre ouverte, a été invitée à une réunion avec les autorités suisses. Les représentants du gouvernement y ont informé d’un éventuel ajout au mandat de négociation de l’AELE en réponse aux demandes de la société civile.

Plus précisément, ils ont proposé un article supplémentaire sur les « ressources génétiques et les connaissances traditionnelles » faisant référence aux « droits et obligations relatifs aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, tels qu’ils sont énoncés dans la Convention sur la diversité biologique, le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture et d’autres accords internationaux pertinents auxquels ils [les pays signataires] sont parties ». La mise en œuvre de ces accords devrait se faire « de manière à se renforcer mutuellement avec les accords internationaux visés au paragraphe 1 ci-dessus » – qui, selon les témoignages oraux, comprennent encore l’UPOV 91.

… mais l’UPOV 91 reste une priorité

Toutefois, si l’AELE maintient dans son mandat de négociation l’exigence d’adhésion à l’UPOV ou la mise en œuvre des normes UPOV 91, un article supplémentaire sur d’autres accords internationaux ne change pas le problème de fond. En effet, l’adhésion à l’UPOV nécessite une transposition littérale des actes en droit national – ce qui n’est pas le cas des autres accords mentionnés dans le nouvel article. Ainsi, maintenir l’exigence de l’UPOV et ajouter un nouvel article sur les autres accords internationaux ne fait qu’ouvrir de nouveaux conflits.

L’engagement contre l’UPOV se poursuit

La préoccupation fondamentale de la lettre ouverte n’est toujours pas prise en compte. Selon la Coalition suisse pour le droit aux semences, la flexibilité mentionnée par l’AELE, à savoir que l’UPOV 91 n’est pas une condition préalable à la conclusion d’un accord de libre-échange, doit être communiquée dès le départ. Nous continuerons donc à faire campagne pour que l’AELE retire de son mandat de négociation sa demande d’adhésion à l’UPOV ou de mise en œuvre des normes UPOV 91. Les deux poids deux mesures actuels sont hypocrites et injustes et entraînent des effets négatifs sur le droit à l’alimentation et la biodiversité.

Nouvelle étude sur la mise en œuvre par la Suisse de la Déclaration sur les droits des paysans de l’ONU

Les paysan-nes nourrissent le monde, mais dans de nombreux pays, ils sont aussi les principales victimes de la faim et de l’extrême pauvreté. Depuis deux ans, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans (UNDROP) a été créée en tant qu’instrument international renforçant leurs droits, y compris celui aux semences. La Suisse s’est très fortement engagée en faveur de ce processus et a fait pression avec succès pour son adoption. Une nouvelle étude montre néanmoins que sa mise en œuvre fait défaut, en Suisse comme à l’étranger.

Finis les jeux de pouvoir de l’AELE contre le Sud!

Communiqué de presse de la Coalition suisse pour le droit aux semences

La Suisse, le Liechtenstein et la Norvège sapent le droit aux semences dans les pays du Sud

Berne, le 9 juillet 2020 – Dans une lettre ouverte, 250 organisations de 60 pays demandent à la Suisse, à la Norvège et au Liechtenstein de cesser d’imposer aux pays du Sud des lois strictes sur la protection des obtentions végétales qu’ils ne respectent pas eux-mêmes. Cette demande des pays de l’AELE pour une protection stricte des variétés végétales – une sorte de protection par brevet des semences – restreint considérablement la libre utilisation des semences aux dépens des agriculteurs du Sud. Le droit à l’alimentation, la souveraineté alimentaire et la diversité agrobiologique sont menacés.

250 organisations du monde entier se sont adressées aux gouvernements de la Suisse, du Liechtenstein et de la Norvège pour leur faire part de leurs préoccupations concernant les systèmes de semences paysannes, qui sont un garant de la diversité agrobiologique et une ressource indispensable pour la sélection de nouvelles cultures. Elles demandent que l’exigence d’une législation sur la protection des obtentions végétales compatible avec l’UPOV 91 soit supprimée des mandats de négociation des futurs accords de libre-échange.

Depuis plus de vingt ans, les pays de l’Association européenne de libre-échange AELE (Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse) font pression dans leurs accords de libre-échange sur les pays du Sud pour qu’ils introduisent un droit de protection des variétés végétales conformément à l’accord international UPOV 91. Il en résulte une restriction disproportionnée des droits des agriculteurs à conserver, échanger et vendre des semences pour la prochaine saison de semis. Et ce malgré le fait que la Suisse, la Norvège et le Liechtenstein ne mettent pas en œuvre ces normes dans leur propre pays.

Ce « double standard » est d’autant plus choquant que, dans les pays du Sud, les systèmes de semences paysannes, qui sont ébranlés dans leurs fondements par les normes de l’UPOV, sont nettement plus importants pour la sécurité alimentaire et la sécurité des revenus qu’en Europe. Imposer ces normes aux pays du Sud, qui ont été négociées sans leur participation, est un diktat néocolonial. Les pays devraient pouvoir décider eux-mêmes des lois et des politiques relatives aux semences qui conviennent à leurs systèmes agricoles et aux besoins de leurs populations.

L’AELE négocie actuellement un accord avec la Malaisie. En février 2020, les droits de propriété intellectuelle, y compris la protection des obtentions végétales à l’UPOV 91, étaient également à l’ordre du jour. Dans le cas de la Malaisie en particulier, il est incompréhensible que les pays de l’AELE insistent sur l’UPOV 91. Le pays dispose déjà d’une loi sur la protection des obtentions végétales qui, dans un cadre limité, respecte également les droits des agriculteurs sur les semences. A la mi-juin, la « Coalition suisse pour le droit aux semences » a adressé une réponse au Secrétariat d’Etat à l’économie SECO dans laquelle elle exprime ses préoccupations et rejette son argument de la « sécurité de la place économique suisse ».

L’abandon des normes UPOV dans les accords de libre-échange serait une contribution importante à la réalisation des objectifs des Nations Unies en matière de développement durable, en particulier l’objectif n° 2, à savoir supprimer la faim et l’objectif n° 15, qui vise à enrayer la perte de la biodiversité.

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